samedi 17 mars 2007

Tristan da Cunha - l'archipel de la désolation



Passer la soirée devant Thalassa vendredi, m’a fait redécouvrir une île dont j’avais oublié jusqu’à l’existence : Tristan da Cunha, l’archipel de la désolation, l’île habitée la plus isolée au monde.


Cet archipel perdu aux confins de l’atlantique sud dont les plus proches voisins sont l’île de Sainte Hélène et la ville du Cap en Afrique du Sud (bon à 2300 kms pour l’une et 2700 kms pour l’autre quand même…), est composé de quatre îlots : Tristan elle-même, Gough, Inaccessible et Nightingale. Le climat, bien que rude puisque soumis aux dernières attaques des 40èmes rugissants, tous proches, y est de type océanique tempéré.


La principale île et la seule habitée toute l’année est Tristan. Sa superficie est d’environ 98 km² dont la plus grande partie est occupée par le volcan qui en occupe le centre. Le seul endroit habitable est un petit plateau situé au pied du volcan sur lequel se situe Edimbourg des Sept mers (Edinburgh of the Seven Seas, in english dans le texte, c’est-y pas joli comme petit nom ?), l’unique ville de l’archipel connue localement comme « The settlement » (la colonie).

L’île de Nightingale, quant à elle, sert de lieu de villégiature aux habitants de Tristan qui y possèdent des cabanes et vont y passer leurs vacances.

L’île principale a été nommée d’après le nom de l’amiral Portugais Tristao da Cunha qui découvrit l’archipel en 1506 alors qu’il faisait route vers le cap de Bonne Espérance. L’archipel n’ayant aucun intérêt stratégique ni aucune ressource naturelle à exploiter, ne fût pas habité dans un premier temps, l’exil de Napoléon à Sainte Hélène amena toutefois les Anglais à y entretenir une petite garnison (on ne sait jamais avec ce diable de Corse). A la fermeture de celle-ci en 1817, un petit groupe, à la tête duquel on trouvait un écossais du nom de William Glass, et composé de sa femme Sud-Africaine Maria, leur deux enfants et deux maçons du Devon Samuel Burnell et John Nankivel ont persuadé le commandant de la garnison britannique de les laisser sur Tristan. Ils instaurèrent une communauté basée sur un partage égal des biens et des profits et un engagement à ne pas laisser quelqu’un avoir une quelconque supériorité sur les autres. Une sorte de micro société communiste idéale et qui fonctionne toujours, sans doute parce que les gens, du fait de l’éloignement, sont moins soumis qu’ailleurs aux sirènes de la société de consommation. La communauté s’agrandit toutefois au gré des naufrages et des mariages (on est obligé d’aller chercher 5 femmes en Afrique du Sud en 1827). En 1832, la population de Tristan s’élève à 34 personnes (6 couples et 22 enfants). Petit à petit s’installent ceux qu’on appelle les fondateurs et dont les 7 patronymes sont toujours les seuls présents sur l’île. La pire période d’isolement de Tristan eut lieu pendant la 1ère Guerre Mondiale lorsque l’amirauté britannique a renoncé à son voyage annuel vers l’archipel (comme elle l’avait déjà fait pendant la guerre des Boers). On dit que Tristan n’a reçu aucun courrier pendant 10 ans jusqu’à ce que le HMS Yarmouth apporte des nouvelles de l’armistice en juillet 1919. La communauté a toutefois continué à prospérer, bon an mal an, devenant indépendante des subventions britanniques grâce à la conserverie de langoustes et à la vente des timbres postes. De nos jour l’archipel est ravitaillé par la visite semestrielle du RMS Ste Hélène ou du SA Agulhas, ainsi que par le passage de bateaux de pêches (Edinburgh et Kelso).


L’île est maintenant dotée, d’un hôpital, d’une poste, d’une piscine…mais faire des études et prendre une épouse demande toujours une expatriation temporaire. Bien que sujet d’études génétiques, aucune pathologie directement liée à la consanguinité n’a pu être détectée sur Tristan, excepté un taux de sujets atteints d’asthme largement supérieur à la moyenne, mais ceci tient plus de l’hérédité et du contact prolongé avec des fumées d’origine volcanique.


En Octobre 1961, le volcan entre en éruption, les 260 habitants sont obligés d’évacuer l’île pour aller se réfugier dans un premier temps dans leurs cabanes sur Nightingale. Le gouvernement britannique devra les récupérer sur l’îlot pour les rapatrier vers Southampton espérant les voir abandonner définitivement l’île la plus isolée du monde qui, dans l’esprit des bureaucrates, n’avait jamais été autre chose qu’un établissement temporaire où les conditions de vie trop difficiles et la rudesses des éléments rendaient toute idée d’implantation pérenne des plus farfelues. Deux ans plus tard, la plupart des 260 Tristanais demandaient à retourner chez eux, rejetant définitivement les mirages du boom économique des 60’s. Hervé Bazin se serait inspiré de cet événement pour écrire « Les bienheureux de la désolation », ça me donne envie de le lire…


Je me demande ce qu’il peut advenir de cette communauté originale maintenant que les moyens de communication modernes (internet est finalement arrivé là-bas) ont rendu leur isolement moins grand…Bah, Tristan demeure une destination inconnue des circuits touristiques et y passer même un petit séjour (soumis d’ailleurs à l’accord préalable de l’administrateur de l’île) relève du parcours du combattant. Il reste encore des endroits dans ce monde qui se méritent !

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