samedi 17 mars 2007

Tri

La semaine dernière j’ai jeté la moitié de ma vie. Ce ne sont pas des choses que l’ont fait sans douleur…

D’un point de vue administratif il était plus que temps de le faire, mon placard ayant tendance à ressembler quelque peu à l’antre d’un malade atteint du syndrome de Diogène, tout y était mais en piles branlantes, les années mélangées par des chutes intempestives… Dix ans de bulletins de paye et autres relevés bancaires à classer, sans cesse remis aux prochaines vacances, à quand j’aurai le temps, à un jour où il fera moins beau, bref aux calendes grecques.
22 ans dans l’administration dégoûteraient n’importe qui de la paperasserie, mais quand il faut s’atteler à l’ouvrage ça donne une certaine facilité pour venir à bout de la corvée, quelques heures plus tard tout était classé dans de jolies chemises elle-même rangées dans un carton de 30cm².

Emportée par ma folie ménagère je me suis alors attelée au courrier perso, et là ce fut beaucoup plus difficile. Adieu les cartes d’anniversaire d’amis oubliés, les souvenirs de voyages des uns ou des autres, je n’ai décidément pas l’âme d’une collectionneuse.
Faire le tri dans les lettres aussi, garder celles de l’ami d’enfance qui me font toujours autant rire, jeter celles de l’amour perdu parce qu’enfin le temps à fait son œuvre et que son écriture de pattes de mouche n’a plus le don de m’émouvoir, garder celles de mon père décédé, rares et d’autant plus précieuses, parce que c’était une plume et que c’était le seul vecteur par lequel il savait vraiment exprimer ses sentiment, il m’en a coûté bien des larmes de les relire…

Garder celles de l’ami qui s’est suicidé, celles-là sont des pépites d’humour et d’intelligence, je ne sais si je pourrai avoir un autre ami comme lui…
Garder celles de mon « père spirituel », celui qui m’a vraiment donné confiance professionnellement, quand je les relis, je revois ses yeux rieurs, son sourire parfois ironique mais toujours chaleureux, je ressens le tremblement de sa main et revois la larme discrète dans ses yeux quand il m’a dit adieu, sans préavis, pour ne pas que je lui organise de fête pour son départ en retraite.

Jeter celles des correspondants du monde entier, qui sont passés comme des étoiles filantes, avec leurs histoires tristes ou gaies, leurs motivations parfois saugrenues pour correspondre, certaines personnes sont tellement seules qu’elles vont chercher à l’autre bout du monde des gens pour leur faire la conversation. D’autres veulent se marier, la perspective d’un visa facilement acquis n’est pas étrangère à ce besoin d’exotisme. Certains ont la passion des voyages, ils cherchent des pied-à-terre, ou alors ils sont collectionneurs, en timbres, poupées folkloriques, boule à neige ou bien cartes postales. Certains sont curieux tout simplement, mais je n’arrive pas à suivre leur cadence d’écriture, parfois je me demande si je suis la seule au monde à bosser, le soir je suis vidée, je n’ai pas le temps d’écrire des lettres de 4 pages en anglais sur les élevages de moules dans le golfe du morbihan…

Qu’est-ce que c’est une vie finalement ? Quelques mots jetés sur du papier et des souvenirs…
Que restera-t-il de moi dans quelques années, quand les autres auront fait le tri dans leur vie, un éclat de rire, un regard noir, un baiser dans le cou ?

…un soupir.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est sympa ce nouveau chez toi!

Mélisse a dit…

Merci JC et bienvenue ! ;-)