samedi 17 mars 2007

Les esprits écoutent





A l’occasion de l’ouverture du Musée du Quai Branly à Paris, l’ethnomusicologue Henri Lecomte a réussi à rassembler une trentaine de chamanes venus des 4 coins de la Sibérie et à les entraîner jusqu’au pays lointain (comme ils disent) nous permettant de découvrir le large éventail de ces cultures anciennes.


Le mot chamane vient de la langue Evenks (une branche du peuple Toungouse). Le chamanisme (ou technique de l’extase selon Mircea Eliade), est un mélange de magie et de religion animiste sans liturgie. Le chamane peut être un guérisseur, un sorcier, un prêtre, un devin qui dialogue avec les esprits par le moyen de la transe au cours de rituels où la fonction musicale est fondamentale.


Ce spectacle se déroulait en trois parties. La première était consacrée aux tambours chamaniques des peuples d’extrême orient et des peuples toungouses. Chasseurs de mammifères marins ou éleveurs de rennes, leurs chants savent recréer à merveille l’ambiance de la toundra (je pense particulièrement au chanteur Tchouktche, la qualité de son imitation des aigles, ours et autres rennes était hallucinante !). Leurs étranges tambours plats qui se tiennent dans une seule main rendent un son très impressionnant.


La deuxième partie était entièrement consacrée à la fête et aux jeux de l’Ours. Cet animal, dont normalement il ne faut jamais prononcer le nom, est un personnage central des épopées sibériennes. J’ai toutefois trouvé cette partie du spectacle plus ennuyeuse, les chants étaient très doux et l’accompagnement musical quasi inexistant.


Comme la soirée s’étirait en longueur j’ai failli abandonner la place mais l’intervention d’un ami qui est venu papoter avec moi pendant l’entracte m’a empêchée de prendre la poudre d’escampette et bien m’en a pris parce qu’alors j’aurais raté la troisième partie ! Et là, chef d’œuvre ! Exclusivement consacrée aux voix de gorges et chants diphoniques des peuples de langue mongole (Bouriates, Touva, Altaïens). La beauté de leur prestation accompagnée par des musiciens virtuoses (j’avais oublié l’usage prodigieux que ces peuples faisaient – entre autres – de la guimbarde) m’a littéralement donné la chair de poule !


Dans le chant diphonique, le chanteur (ou la chanteuse, mais c’est récent, ces peuples pensaient jusqu’à aujourd’hui que cette pratique rendait les femmes stériles) chante simultanément une note tenue (ou bourdon) et une mélodie harmonique (comme un sifflement), cette technique est particulièrement maîtrisée par les Touvas et les Altaïens. Les Sakhas ont également des techniques très diverses faisant appel aux coups de glotte et au yodel.


La soirée s’est terminée par une véritable cérémonie propitiatoire par un chamane authentique, dommage qu’à cette heure les gens aient commencé à s’assoupir (1 heure ¼ du mat quand même, en semaine, dur !), je pense que cela a nuit à la concentration du vieil homme, j’ai l’impression qu’il n’était pas vraiment en transe, bah, je me fais peut-être des idées…je pensais juste que ce serait plus impressionnant !


Vous trouverez de passionnantes informations sur le chant harmonique et les chants Touva sur le site de Philippe Barraqué http://www.planetevoix.net/news.html


Plus de précisions sur le concert et un extrait audio à ne pas manquer (très représentatif du spectacle), rendez-vous sur le site d’Henri Lecomte : http://www.adem.ch/concerts07/programme_siberie.html


Un autre genre de voix de gorge ici avec le groupe Huun-Huur-Tu : http://world.abeillemusique.com/ecoute.php?numnl=060

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