samedi 17 mars 2007

Sizwe Banzi est mort

Cette pièce d’Athol Fugard, mise en scène par Peter Brook – le génial créateur de l’œuvre phare « Le Mahabharata » (9 heures de bonheur absolu) - est un voyage. Un voyage au cœur des drames de la vie quotidienne dans les townships. Une ballade à l’Africaine, toujours entre le rire et les larmes. On rit beaucoup, un rire cruel pour lutter contre la dureté de la vie ordinaire.

Le système de l’Apartheid est dénoncé à travers la quête de Sizwe Banzi pour récupérer un « pass », le pass sans lequel travailler, se marier ou même faire ses courses est impossible. La quête de Sizwe finira par un tour de passe-passe identitaire qui le conduira à se laisser convaincre de prendre la place d'un mort. Un sujet grave traité avec un humour décapant, voila qui secoue salutairement nos convictions d’occidentaux bien pensants !

La pièce, interprétée par deux acteurs africains francophones vraiment formidables : Habib Dembélé et Pitcho Womba Kinga, commence comme un conte, le récit des déboires de Styles au sein de son usine Ford, puis s’enchaînent les tableaux, nous amenant à comprendre la trame du récit. Un décor minimaliste (typique de Peter Brook) avec des acteurs sans cesse en mouvement qui occupent la scène, modifient l’espace avec trois accessoires et glissent avec bonheur d’un personnage à l’autre, la fusion avec le public est réelle et les résonances avec l’actualité parfois douloureuses. Une grande soirée !

Extraits :

"Un homme noir pourrait ne pas avoir de problème ? dit Sizwe à son ami Buntu, avant de conclure "impossible ! Le problème c'est notre peau!"

"On doit comprendre une chose. Nous ne possédons que nous mêmes - ce monde avec ses lois ne nous donne rien d'autre que nous mêmes - nous ne laissons rien derrière nous quand nous mourons - rien sauf la mémoire de nous."

"Qu'est-ce qui se passe dans ce foutu monde ? Qui veut de moi mon ami ? Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ? Je suis un homme - j'ai des yeux pour voir - des oreilles pour entendre les gens quand ils parlent - j'ai une tête pour penser des choses bien - qu'est-ce qui cloche avec moi ? Regardez-moi, je suis un homme - j'ai deux jambes - je peux courir avec mes deux jambes - je peux courir avec une brouette pleine de ciment ! Je suis fort ! Je suis un homme ! Je suis circoncis, oui, regardez-moi ça, Madame."

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