mardi 8 mai 2007

Bienvenue à boboland !

Cette émission passionnante, diffusée sur Arte, était consacrée aux Bobos, nos chers bourgeois-bohêmes. « LES BOBOS, c'est un couple, un bébé, une poussette trois roues, le mec pousse la poussette et la femme (rousse) est devant », explique Leslie Brown, une journaliste anglaise installée à Paris dont l’humour décapant est un des charmes de ce documentaire.

Une définition plus « académique » désigne cette « catégorie socioprofessionnelle urbaine, aisée, progressiste qui délaisse les quartiers bourgeois pour des quartiers populaires ».

Le phénomène que le sociologue Jacques Donzelot, interviewé dans le film, nomme dans son jargon la « gentrification », gagne toutes les capitales européennes.

D’après Wikipédia, « la gentrification (de gentry, petite noblesse en anglais) est le processus par lequel le profil sociologique et social d'un quartier se transforme au profit d'une couche sociale supérieure. On l'appelle aussi embourgeoisement. »

« L'embourgeoisement se traduit par la rénovation des bâtiments et l'accroissement des valeurs immobilières, elle exerce donc une pression sur les pauvres pour qu'ils se déplacent vers des secteurs moins en demande ».


Comme le dit Jacques Donzelot dans l’excellent article paru dans la revue Esprit :

« Parler d’«entre soi sélectif» à propos de la gentrification peut paraître un contresens si l’on considère que les pionniers de ce processus furent, au contraire, des classes moyennes qui ne craignaient pas de se frotter aux classes populaires en revenant habiter le centre des villes, leurs parties dégradées, pour en goûter le pittoresque. ». (Voir par exemple The Jam Factory installée dans le quartier le plus populaire de Londres)

« Mais pour bien vendre la ville, il fallait la délivrer de ses «défauts», la désencombrer, l’embellir, y réduire le bruit, la circulation, les mauvaises odeurs, les mauvaises rencontres ». « La gentrification est ce processus qui permet de jouir des avantages de la ville sans avoir à en redouter les inconvénients. Elle génère un produit qui a un prix, financier, propre à attirer ceux qui ont les moyens de se l’offrir et à faire disparaître de sa scène, discrètement, ceux qui ne le peuvent pas. Au terme de ce processus, là du moins où il semble sérieusement avancé, on voit bien le type d’entre soi sélectif que produit la gentrification. »

Il n’y a plus de pauvres, plus d’étrangers, on assiste au remplacement d’une population par une autre. D’ailleurs on retrouve les mêmes modes de vie, les mêmes gens, les mêmes attitudes dans toutes les villes gentrifiées. »

Les boutiques traditionnelles sont remplacées par des concept stores, ou l’on trouve des produits culturels (comme The corner Berlin par exemple à Berlin )

« Les gentrifiés évitent la mobilité contraignante du périurbain, la perte de temps surtout qui en résulte. Ils rééquilibrent en conséquence le rapport entre homme et femme, entre vie familiale et vie sociale. »

« Leur rapport à l’insécurité s’en trouve changé d’autant. Elle ne se situe pas tant dans les espaces publics ou privés que dans les points de rencontre entre leur monde et son dehors, là il se trouve en contact avec l’environnement auquel il veut se soustraire et dans les connexions qui le relient à son ailleurs, au monde. »
(pour Paris les stations RER par exemple qui les mettent en contact avec la faune de banlieue, pouah).

J’ai l’impression que la société est de plus en plus divisée en ghettos…avec une moitié des habitants qui bave de jalousie en regardant l’autre vivre, vous avez dit explosif ?

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je pense aussi que les ghettos sont là, bien ancrés, et de plus en plus nombreux, malgré l'ouverture d'esprit qui nous est proposée. Peut-on aller à l'encontre de la volonté d'appartenir à un clan ? Voilà une question à laquelle je ne répondrai pas :)
Mais bon j'aime pas les ghettos, et pour ma part j'ai toujours cherché à ne pas me "ghettoïser" (ouh pas beau le mot) mais je peux comprendre la perte de repères de certains... vaste débat, non?
Quant aux Bobos, je ne crois pas en connaître, ça m'a l'air assez parisien, mais bon, j'ai pas trop creusé le sujet...

Mélisse a dit…

Je n'aime pas le communautarisme, j'ai toujours été un esprit libre, même le clan familial, s'il est synoyme de repli sur soi, m'indispose...la découverte de l'autre m'apparaît tellement plus intéressante ! Mais tu as raison, on cherche des repères où on peut...
Le phénomène des bobos a concerné effectivement d'abord la capitale (pour ne parle que de la France), mais je perçois quelques frémissements dans les grandes villes de province, mieux vaut avoir un grand loft dans un quartier mal-fâmé qu'un deux pièces miteux dans le centre historique, n'est-ce pas ? Bah moi je les trouve plutôt sympas les bobos au fond, ils ont de l'argent mais une mentalité assez ouverte je trouve, contrairement à la grande bourgeoisie d'autrefois catho et bien-pensante. ;-)

Anonyme a dit…

Très interressant l'idée de "gentification". J'avoue quand à moi avoir qlq réticences vis à vis d'une bourgeoisie qui ne dit plus son nom. Super individualiste, finalement assez repliée sur soi qui s'ouvre pour consommer mais qui préfère se lamenter sur la misère aux tropiques et faire un chèque plutot que de risquer de toucher la main du pauvre en lui glissant 2 euros, en bas de chez elle.
La société en ilots qui ne se fréquentent pas, c'est dangeureux. L'ancienne bourgeoisie avait encore un certain sens de sa responsabilité dans le corps social (insupportable morale paternaliste mais...)
Je vais aller chercher Gentrification sur le net :)

Mélisse a dit…

Oui on peut s'interroger sur les mérites réciproques des élans du coeur pour la misère du bout du monde (qui ne dure que jusqu'au prochain reportage choc) ou sur la charité-devoir un peu méprisante en bas de chez soi...
D'un côté les bobos constituent une bourgeoisie décomplexée qui a des valeurs plus dans l'air du temps mais c'est vrai qu'ils vivent entre-eux. La mixité oui, mais entre gens du même monde, faut pas déconner quand même. Dans le reportage d'Arte on interrogeait les jeunes de service, ceux qui squattent l'entrée de l'immeuble d'à-côté...évidemment ils ne se parlent jamais et s'ignorent superbement.

Anonyme a dit…

C'est sûr qu'il y a un abysse qui se creuse, amplifié par les différences de niveau d'éducation des familles...